Temps de lecture : 9 minutes

100 000€ dans un tracteur,
500€ dans une étiquette

Le coup classique

De l’intérêt à s’appliquer sur la beauté et le design de vos produits finaux

Gregoire Patacq

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L'idée en bref

Le Problème

Trop de TPE-PME (notamment dans l’agroalimentaire ou viti-vinicole) investissent lourdement dans du matériel agricole de pointe mais sont réticents à mettre des moyens dans leurs produits finis comme les étiquettes de vin.

La Conséquence

Les efforts faits en amont ne sont pas retranscrits ou compréhensibles par un marché B to B et B to C souvent peu éduqué et peu compréhensif. Les implications commerciales court et long terme sont multiples ; perte de revenu, manque à gagner, démotivation commerciale. Un impact direct sur le financier se fait ressentir alors qu’il n’est pas mérité.

Les Conseils

Capter de la valeur nécessite la compréhension de l’aval. Écouter le marché dans sa globalité (professionnels comme particuliers) et cela sans émettre de jugement. La connaissance poussée des instants clés de découverte, de décision et d’influence de votre marché va permettre de créer des produits finis éclairés. Enfin, s’apaiser sur le choix cornélien qu’est celui de ne plaire qu’à une partie du marché est une des clés du succès.

Le Tracteur à  

100 000

Les tracteurs ont toujours été une discussion de choix autour des tablées d’agriculteurs. Ces magnifiques bêtes sont désormais des bijoux de technologie. Ils ont remplacé nos historiques bœufs et chevaux de trait, et sont devenus aujourd’hui essentiels au bon fonctionnement de notre agriculture.

GPS, cabine insonorisée, clim, jantes allu(!)… les options sont multiples. Et il est vrai que, pour avoir moi-même conduit un tracteur dépourvu de cabine en plein été dans une culture haute et feuillue; on apprécie le confort à sa juste valeur le moment venu. Les investissements sur les tracteurs sont réfléchis mais les sommes engagées sont souvent indécentes. Il s’agit d’emprunts qui dépassent souvent les 50k euros (et même 100, pour l’exemple de cet article).

Là où il faut tirer sa révérence à l’industrie du machinisme, c’est qu’elle a réussi à ancrer dans l’esprit agricole une corrélation directe entre la qualité/quantité du travail et le prix du tracteur.

Avoir la dernière bête à concours est souvent clé, mais le rationnel avec la qualité du travail de production n’est parfois pas aussi corrélé qu’il n’y paraît. Typiquement un millésime complexe comme l’année passée en viticulture. Les caprices du temps n’ont pas permis aux vignerons de palier techniquement, quels que soient leur matériel, et les vendanges ont été affectées.

 

Cette variable qu’est le climat, rend aujourd’hui notre agriculture complexe. Des investissements lourds sont requis pour atteindre une forme de rentabilité qui est souvent visée sur du long terme. Par ailleurs, des normes, des pratiques et de nouvelles attentes du marché viennent perturber des formats agricoles classiques.

En bref, il faut de l’agilité dans la production alors que les investissements, eux, le sont de moins en moins.

C’est à ce sujet que le produit fini a une place de choix. Pour le bien de l’exercice, nous prendrons l’exemple d’une étiquette de vin destinée à la grande distribution ou au circuit traditionnel (cavistes, cafés, hôtels, restaurants) du marché français. Cette étiquette sera produite pour un vignoble qui aura à souhait de créer une cuvée entrée/milieu de gamme.

500 balles

pour ce bout de papier

Peut être vous reconnaitrez-vous dans cette description. Le cas échéant n’y voyez pas un affront, l’idée est de construire.

Le comportement habituel est le suivant :

L’idée de cuvée naît en production ; au milieu des chais ou sur un tracteur (rutilant). Elle est transmise oralement au graphiste de l’imprimeur. Sempiternellement, l’idée revient aux quatre attributs suivants : le terroir, le vigneron, le cépage ou enfin, l’originalité de la démarche en prod (viti ou vinicole). Le graphiste se fend d’une série de planches ; certains sont talentueux, d’autres moins. Un nom est trouvé à la va-vite et emballé. C’est plié, c’est imprimé.

La logique avec la gamme existante ? Souvent maladroite. L’adéquation avec le marché et les tendances ? Rarement réfléchie ; ou alors basée sur un ressenti actuel, qui peut avoir effectivement du sens, mais qui est rarement la traduction réelle du marché.

Le produit a beau être aussi qualitatif ou original dans le goût ou l’approche ; la bouteille et son visuel, sans un discours technique en sous-titre, ne le sont pas. La logique de création est d’ailleurs très souvent une forme de copie des produits qui semblent fonctionner dans la région et cela crée donc une approche indifférenciée. En bref et malheureusement, un concept réchauffé et quelconque.

100000€ dans un tracteur

Voici un parallèle avec une anecdote : Un partage d’expérience avec un ami aveyronnais m’emmena à découvrir sa région et son histoire. Été 2013, le ray-grass est fin prêt pour être coupé puis séché afin de devenir le foin qui permet à ses vaches de créer la fameuse tomme fraîche de Laguiole. Cependant la météo annonçait l’orage (cela atteint la capacité de séchage de l’herbe pour devenir du foin et altère sa qualité).

Il raconte :

Ce sont des moments bizarres. Il fait chaud, plein été et on est coincé avec mon père à regarder par la fenêtre pour voir si les nuages se forment. En fond, la télé montre des éclairs et tout le tintouin… Évidemment qu’on a attelé la faucheuse… comme tout le monde dans le village, on peut partir d’un moment à l’autre. On trépigne d’impatience à tourner en rond alors que la maturité est idéale. Mais, mon père se raisonne et on se calme. On attendra les prochains jours. Tant pis.

D’un coup, au loin, on entend un bruit qu’on reconnait direct. On se lève juste à temps pour apercevoir le voisin qui passe en fond de 5 avec la faucheuse. Et là, c’est la guerre. On ne parle plus. En 5 minutes tout le village (nous inclus) est dehors, à faucher, heureux comme des papes. Forcément, quatre heures plus tard, pluie battante.

Il me regarde, l’air complice :

Pas grave, on n’est pas les seuls à s’être fait bai…

La réassurance d’avoir commis la bourde en commun atténue la douleur qu’a pu provoquer Dame Nature et le pari risqué que ce voisin a pris en décidant de faucher avant l’heure.

Ce comportement, bien qu’imagé avec du foin, est identique sur le design des bouteilles de vin et leurs gammes. Les produits sont tous orientés très agricole. Issus de la production et poussés par la logique de production et pas celle du marché.

Vivons Frustrés :

avec des conséquences

De ce processus de création trop hâtif naît un produit maladroit. Oui le vin est bon mais le visuel ne donne pas envie de le boire. L’impact de cette démarche trop rapide a des implications multiples :

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La première est votre (et notre) frustration. Frustration d’une année passée à tout mettre du bon côté (surtout avec ce tracteur rutilant) pour que le produit soit au niveau. Se battre avec une nature de plus en plus capricieuse et changeante, un contexte administratif et légal complexe, sans parler de tendances parfois moroses en consommation. Et là, la présentation du produit aux acheteurs va se négocier au prix de la concurrence nationale, qui, par essence tire les tarifs vers le bas. Tout cela juste parce que votre étiquette n’est pas adéquate. Vous allez me dire, forcément il y a une question de prix. Mais soyez certain qu’un emballage mal présenté, ne donne pas envie d’y mettre le juste prix ; aussi bon le produit soit-il. La valeur du vin est donc réduite à celle du packaging et n’est pas à l’image du travail.

Il s’agit d’euros et non plus de dessins.

2

La deuxième est l’ampleur et l’impact. Les conséquences au niveau professionnel sont nombreuses. Les acheteurs sont aujourd’hui restreints alors qu’ils n’ont jamais eu autant de choix. Se retrouver face à un produit qui ne résonne pas avec leur vision fait directement perdre des points et du sens à la marque du vignoble en global. A ce jour, notre data montre que les tendances en GD sont aux réductions drastiques ; les cavistes nous disent qu’ils ne font plus entrer de nouvelles références avant plusieurs mois pour certains… La concurrence est rude. De là, naît aussi un essoufflement commercial de la part des équipes, qui se lassent d’essayer de vanter les mérites d’un produit auquel l’esthétique ne rend pas justice.

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Il en est de même pour les consommateurs. Une dure vérité : 99,9% du marché n’a jamais goûté votre produit ni ne connaît votre marque. Le seul manque de beauté de votre produit provoque le désintéressement instantané. A moins que le caviste soit un véritable ambassadeur ou encore que votre réputation vous précède (ce qui est souvent uniquement le cas dans une petite région ou alors vous n’avez pas forcément besoin de lire cet article), le produit sera perdu dans une mer de choix que les yeux balaieront sans y prêter attention.

Trouvez des solutions :

avec logique

La notion clé que nous essayons de vous transmettre au travers de ces lignes est la nécessité que vous apportiez autant d’attention aux derniers mètres avant la commercialisation du produit qu’aux premiers (la production). Votre packaging et marketing, même s’ils ont longtemps été considérés comme des sciences molles et métiers de vendeurs de tapis, ont aujourd’hui une importance critique dans la réussite commerciale de votre activité. Nous considérons aujourd’hui que les produits qui ont le mieux réussi commercialement avaient le triptyque suivant:

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Excellent produit qui vaut chaque euro de la valeur perçue

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Commerce solide et compétent

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Marketing bien fait et emmenant les caractéristiques que nous allons vous décrire ci-dessous

Par conséquent, voici par conséquent nos conseils pour approcher la création d’un produit qui sera beau et aura du sens :

(Re)prenez le temps d’écouter.

Allez poser des questions ouvertes à votre marché pour comprendre comment il se comporte. Particuliers comme professionnels. Ce temps là ne sera jamais perdu. En pratique, tant que vous n’aurez pas réalisé 10 entretiens avec des professionnels et 10 consommateurs, vous n’aurez même pas réalisé un premier tour d’horizon.

Écoutez et observez avec un œil neutre.

Acceptez la critique pour ensuite savoir comment construire avec du sens. Ne vous vexez pas de commentaires de gens qui vont avoir la force d’être honnête et qui parfois (souvent) ne connaissent pas bien votre métier et font de gros raccourcis. Essayez de plaire beaucoup à une petite communauté plutôt que d’être vaguement attractif au plus grand nombre. Cela signifie que votre produit va polariser.

Mais tant mieux.

Vous saurez qui sont vos réels consommateurs.

Eux sont prêts à payer pour vos produits.

Concernant vos étiquettes, focalisez-vous sur 3 points clés :

 

Considérez le moment d’achat de votre produit

Ce produit est-il à destination des cavistes ou de la GD ? Si c’est la GD par exemple, il faut savoir que vous allez être dans une mer de produits. Les gens marchent vite et leur œil doit être attiré, sollicité. Une couleur qui dénote, une typographie lisible à 4 mètres, le grain du papier, ce sont des éléments clés à prendre en compte. Apprenez donc à comprendre le comportement de vos consommateurs. Savoir le temps qu’ils passent en rayon, pourquoi, comment ils observent, leurs préjugés…

 

Créez une émotion : instantanément

Jouer avec les émotions est vital pour permettre de sortir d’une approche rationnelle (c’est-à-dire : s’en remettre à une comparaison de prix). Apprenez donc à jouer avec toute la palette d’émotions que vous pouvez provoquer. Surprise, peur, joie, rire…

C’est là un des éléments clés qui vous permettra l’effet suivant : aucun consommateur ne rentre dans un magasin avec un prix défini en tête, il a une fourchette qui se situe par exemple entre 5 et 8 euros. Si rien ne lui plait, il reviendra au comparatif de prix le plus bas : 5 euros. Si au contraire l’émotion de ce consommateur est sollicitée alors le rationnel sera impacté, il sera prêt à payer son produit plus cher, dans notre exemple 8 euros. Cette personne sera déconnectée du prix car l’émotion prendra le dessus. Passé 10 000 cols vendus, le total de l’opération est extrêmement rentable. Cet exercice vous permet de capter réellement une valeur ajoutée déterminante. La valeur du produit est augmentée sans pour autant travailler la qualité intrinsèque…

 

Travaillez la projection de consommation

Votre produit doit rentrer dans une case très claire pour le consommateur quant à l’utilisation qu’il va en faire.

Ne vous y trompez pas, votre bouteille sera bue, mais c’est très rarement la véritable projection de consommation qui est faite lors de l’acte d’achat.

Le vin aujourd’hui n’est pas toujours acheté pour être bu mais aussi pour être offert par exemple. L’acte d’achat du cadeau est complètement différent. Vous devez comprendre comment le consommateur va réagir en s’imaginant offrir votre produit. Car cet acte d’offrir va impacter sa “réussite” envers la personne à laquelle il aura fait le cadeau. Cet achat est-il suffisamment digne ?

Il est clé d’identifier très clairement cette action car plus elle sera claire dans la tête de votre acheteur, plus vous simplifierez son processus d’achat. C’est un des éléments déterminant pour créer de nouvelles cuvées avec une rotation en rayon, forte.

Les Conclusions

100000€ dans un tracteur

Votre effort en production n’est souvent pas suffisamment valorisé à cause d’un manque d’attention et d’investissement sur les derniers mètres de votre produit (et cela est indépendant de votre commerce). Le travail à accomplir pour améliorer votre produit final est tout d’abord d’écouter. Sans préjugés. Réactivez l’étudiant naïf qui sommeille en vous.

Identifiez vos cibles et ne les lâchez plus.

Apprenez à créer un concept qui résonne chez eux. Et non, ce n’est pas la terre entière.

 

Ces quelques éléments, qui sont des pistes de réflexion, traduisent aujourd’hui notre approche du design. Rassurez-vous, les investissements nécessaires ne sont pas aussi importants qu’un nouveau tracteur et peuvent, s’avérer somme toute, extrêmement rentables. Nous vous enjoignons à attacher plus d’importance à ce travail de fin de chaîne, car il constitue la réelle image de votre entreprise.

Pour actionner directement les conclusions de cet article, réalisez en une semaine 5 entretiens avec des consommateurs de votre produit.

Peut-être apprendrez-vous quelque chose ?

Merci de votre temps et belle année.

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